L’on me demande souvent, au bout du fil, de la méthode. Sorte de vade-mecum ou de graal par lequel, tout à coup, comme par enchantement, fils et filles accéderaient enfin à ce qui fait leur manque et inquiète une mère inquiète ou désespérée, qui cache par sa demande proto-scientifique ce désarroi bien compréhensible à l’approche redoutée du bac de français.
La méthode ? Elle abonde en de multiples sources : manuels et sites, parascolaire et vulgarisation. La méthode ? En quelque sorte un gros mot, comme chaque texte non seulement est particulier et surtout que chaque lecteur est singulier. Et plus il le deviendra, plus il sera aussi en capacité de parler avec ce texte qu’il doit commenter.
Faute le plus souvent du recueillement qui fait de certaines heures de cours de vraies rencontres, entre un texte, des élèves et un passeur, ce ou cette dernièr(e) transmet une sorte de vade-mecum condensant ce qu’il faut, ou plutôt faudrait savoir sur le texte que l’exercice scolaire impose de commenter. L’ensemble est souvent de bonne tenue, mais il ne permet que bien peu de relier ce qu’il dit au texte lui-même.
Il y a donc d’un coté, un texte extrait d’une oeuvre, et de l’autre un ensemble constitué disant ce qu’il conviendrait d’en dire et d’en penser, dans l’objectif bien compris de se dépatouiller de ce ‘must’ incongru. Et l’on espère ici qu’en quelque métamorphose perroquet ou singe savant, avec une pointe moderne de scanner, imprimante ou enregistreur, ce mauvais par coeur fera l’affaire pour passer la petite épreuve imposée.
Ni l’oeuvre, ni l’élève, ni les passeurs discrédités ne se retrouvent bien sûrs en cette mauvaise séquence, et surtout le vaste univers des livres, que passé le bac, bien peu retrouveront, ou bien longtemps après, en de nouveaux retournements. Or les livres ne sont vivants que par leurs lecteurs, et s’il convient d’évaluer sérieusement, il convient tout autant qu’il ne s’agisse pas d’une pantalonnade pour le moins désobligeante si ce n’est détestable, ce d’autant que bien peu d’écrivains ont autorisé ce qu’on fait de leurs livres comme jalons ou non d’un passage. La littérature n’a en quelque sorte rien à faire avec cette longue affaire d’Etat où elle est convoquée comme experte d’un passage. Et pourtant bien sûr, je ne prêche nullement pour sa disparition des programmes, ni non plus pour quelque angélisme où il conviendrait de ne jamais évaluer, non point. Il est d’importance qu’on maintienne bien mieux, une toute autre exigence, puisque pour un être de langue, lire c’est aussi pouvoir écrire et s’inscrire.
Mon lecteur non lassé, – je ne fais ici dans le propos marketing au verbe court et ciselé, remarque sans doute, que je n’ai encore évoqué, ce fameux instrument du poète, qui se fait l’écho du verbe de même dire.
Lire suppose rencontre, voyage et surtout dépaysement, pas de deux par lequel une oeuvre comme un bon vin ou quelque thé de haute lignée, infuse en soi, et génère questions, réminiscences, traces, flèches et parfois même quelque invitation.
Et pour que cela advienne, et pour bien plus qu’à présent, c’est à dire ces quelques ovnis qui surnagent et tentent de résister dans des classes où le silence même lorsqu’il est n’est que trop rarement celui de ce recueillement qui préside à quelque cueillette … Et pour que cela advienne, il faut non pas démultiplier des lectures vite fait, bien fait, dans cette course à l’échalote vers un programme, mot tout aussi dithyrambique que grotesque en l’état des choses en ce domaine, mais bien se mettre en mesure d’amener tout un chacun, à l’orée de cet acte qu’est la lecture.
Et cela advient, au pas à pas du texte, chose qu’on me dit n’être plus pratiquée qu’en classe de prépa-lettres, quand elle devrait il me semble, être le la du moindre cours de français, ce qui exige il est vrai un rythme escargot, et un moindre embrassement quantitatif vite fait bien fait, sans nulle trace ni désir.
Il faut avant d’atteindre à un texte, être en mesure de le décrypter, et cela relève en quelque sorte des sous-couches plus ou moins mémorisées relevant de la grammaire, la syntaxe, le vocabulaire et les figures et procédés. Car, sans cela, dès lors qu’un texte est un tant soi peu complexe, la majorité de ce qu’il porte reste ni compris ni entendu.
Mais même lorsque je dispose suffisamment de ces pré-requis je ne peux lire un texte sérieusement qu’en m’y arrimant, et donc en éclairant tour à tour ses divers aspects. ce travail n’est donc pas simplement celui d’un labour mais bien déjà d’un ensemencement, par lequel je peux commencer à en dire quelque chose, au moins de sensé et possible, si ce n’est de sensé, base du cheminement dans l’art du commentaire.
Visiolettres permet à chacun par les associations multiples d’étiquettes aux mots du texte, mais aussi par la démultiplication des commentaires librement partagés, et via un processus qualitatif, de s’approprier pas à pas un texte.
Le lycéen par exemple, qui dispose d’un ensemble constitué de notes de cours, gagnera à les mettre en jeu dans sa lecture au pas du texte en les repositionnant, et les complétant.
Une connaissance n’a lieu, qu’en tant qu’elle fait évènement et mémoire, et que donc le lecteur telle la belle formulation de Benjamin Franklin, s’implique.
« Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends. »
Visiolettres, véritable outil de traitement de texte, favorise cet usage d’une lecture aussi patiente qu’active, seul, ou accompagné et en réseau.
La lyre, qui rime aussi avec plaisir, me semble à ce prix.